Je viens ici pour poser des mots, j'en ai besoin.
J'ai 34 ans et avec mon conjoint, nous essayons d'agrandir la famille depuis plus de deux ans. Mais le désir... le désir de grossesse existe en moi depuis tellement longtemps que j'en ai oublié la durée.
Il y a quelques années, j'avais déjà fait un premier essai pendant un an avec mon ex, j'ai su après notre séparation que j'avais le SOPK, mais je ne m'y suis pas attardée plus que ça car le projet était mis en pause pour une durée indéterminée. J'ai conscience que nous sommes très nombreuses dans ce cas, et que cela n'empêche pas de tomber enceinte.
L'avantage à ce premier essai et ces premiers examens, c'est que ma gynécologue m'avait directement prescrit de la progestérone à l'arrêt de ma pilule il y a 2 ans, car je savais que mes cycles seraient très longs et psychologiquement, j'avais au moins besoin de garder des cycles réguliers. Et cela n'a pas loupé, après 2 mois sans pilules ni règles, j'ai commencé le traitement pour me donner des chances d'ovuler. Sous progestérone, j'ai des cycles courts de 20/22 jours.
1 an plus tard, la grossesse n'ayant pas aboutie, ma gynécologue a voulu se montrer rassurante en me disant qu'on allait faire quelques examens complémentaires, mais que "vu mon âge", on allait peut-être devoir stimuler un peu. Ce rendez-vous m'a remotivée malgré la remarque sur mon âge qui n'a fait que confirmer mon angoisse sur la baisse de fertilité après 30 ans.
Après un spermogramme avec de bons résultats et une écho pelvienne + prise de sang bonnes, nous avons commencé à utiliser du Clomid (prescription pour 4 mois). Ma gynécologue m'a conseillé de faire des tests d'ovulation pendant que j'étais sous Clomid, car elle avait compris que plus les jours avançaient, plus le désir occupait une bonne partie de mon esprit. Elle m'a également regonflée à bloc en me disant que le Clomid, ça marche super bien et qu'elle n'était pas inquiète quant à une potentielle grossesse grâce à ce traitement.
Le premier mois est passé, puis le deuxième et à ma grande joie le Clomid a fonctionné en Juillet : un petit embryon avait fini par s'accrocher au creux de mon ventre. Avec mes cycles courts, j'ai très vite remarqué le retard de règles, et après 2 semaines de grossesse, j'ai fait un test urinaire et sanguin qui se sont avérés positifs ! J'étais tellement heureuse mais aussi surprise par le fait que oui, ça pouvait m'arriver à moi aussi, que j'ai eu du mal à réaliser. Malheureusement la joie a été de courte durée puisque 5 jours après, l'interruption de grossesse spontanée a été confirmée par une seconde prise de sang. J'avais encore le bleu du test positif à l'autre bras...
Ma gynécologue a été très à l'écoute, elle m'a demandé comment je me sentais. J'étais forcément triste et hyper déçue. L'ascenseur émotionnel a été un peu compliqué à gérer sur le moment, mais j'étais déjà prête à recommencer : ça avait fonctionné, ça refonctionnerait forcément, et je m'étais persuadée qu'une autre grossesse serait vite de retour. J'ai aussi eu la chance que cette fausse couche "se passe bien", sans douleur, sans assistance. Avec mon conjoint nous avons laissé passer un cycle pour que mon corps se remette, puis nous avons recommencé le traitement, les tests d'ovulation et nos essais... Malheureusement en vain (avec quand même une suspicion de 2e fausse couche car j'ai eu un retard de règles de 10 jours, ce qui en 2 ans n'est arrivé qu'une seule fois). Plus de 7 mois plus tard, ça n'a pas refonctionné. De ce fait, cette fausse couche que j'avais minimisé se fait finalement ressentir par la vision de mon ventre plat et l'approche de la date du terme.
Après un énième RDV chez la gynécologue en janvier, nous avons convenu que je continuais la progestérone mais que j'arrêtais le Clomid (qui au passage m'a fait gonflé l'utérus, et même 3 mois après l'arrêt, il n'est toujours pas dégonflé). Elle m'a demandé de prendre RDV au centre de fertilité, ce qui est chose faite pour dans un mois.
Elle et mon entourage me disent (et je m'en convainc moi-même) que ces 3 mois sans traitement, sans tests ovulation me permettent de faire une pause, "de penser à autre chose" et l'on me dit "souvent quand tu lâches prise et que tu prends RDV pour des examens complémentaires, tu tombes enceinte car la psychologie y joue beaucoup". Sauf que du coup comme maintenant j'ai ça en tête, que je l'ai tellement entendu et que j'y crois tellement j'imagine qu'en fait, ça ne marchera pas, on est d'accord.
Il me tarde ce RDV, mais en attendant j'ai le moral au plus bas et en plus je ne le montre pas. Mon conjoint sait ce que j'en pense et il est très présent, malheureusement il ne sait pas quoi répondre à ma frustration si ce n'est que "notre tour viendra". Il est moins pressé que moi, même si la première grossesse lui a donné très envie. Mon entourage proche est au courant de mon parcours, je n'avais pas envie de le cacher (collègues, amis, famille). Mais je rumine seule, j'angoisse seule, j'attends seule et je pleure seule.
2 ans après, je me sens vide. C'est comme si j'aimais déjà cet enfant que je n'arrive pas à avoir, le manque est véritable. Depuis la fausse couche, j'en suis rendue à envier, jalouser et détester les femmes de mon entourage qui m'annoncent leur grossesse car pour bien faire, j'en ai partout autour de moi. Comme si ces femmes me volaient ma grossesse, comme si elles me narguaient. Je sais pertinemment que ce n'est pas le cas, mais le sentiment lui est bien là. Je me retrouve submergée dans un profond sentiment d'injustice.
Sans compter les maladresses de ceux qui savent "tu ne sais pas ce que c'est que de devoir te lever toutes les heures pour ton bébé la nuit", et aussi qui partagent des photos tous les jours de leur nouveau-né sur les réseaux, ou ceux qui ne savent pas : "ben alors, t'as pas encore d'enfants ?", "tu n'as toujours pas agrandi la famille ?", "pfff j'en peux plus de cet enfant qui me prend toute mon énergie". Pour me protéger un minimum, j'ai arrêté d'aller sur les réseaux sociaux.
Sans compter non plus les symptômes que je me crée chaque mois à l'approche de mes règles (nausées, douleurs aux lombaires, mal aux seins). Ce mois ci ça a été le pompon : j'ai fait un test de grossesse le lendemain de mon dernier jour de règles. Depuis plus de 10 jours j'ai très mal aux seins, ils sont tendus, j'ai le bas ventre qui tire. Quand j'ai eu mes règles, je me suis dis qu'elles étaient la cause de ces symptômes, mais ils n'ont pas disparus ni diminués et même 3 jours après la fin de mes règles, j'ai toujours ces douleurs et des crampes dans le ventre. Allez comprendre. Je tiens quand même à préciser que je ne suis pas une folle des tests de grossesse. Je n'en ai pas fait tant que ça en 2 ans.
Je suis malheureuse mais je garde espoir. Je suis impatiente et je m'en veux de devenir aigrie à l'égard des gens que j'aime et à qui, j'ai bien conscience, je ne peux pas demander d'adapter leurs discours, leurs façons de faire, leurs vies uniquement dans le but de me préserver. J'ai le sentiment d'être une enfant que l'on refuse de gâter, égoïste et capricieuse. Voilà pourquoi je garde tout enfoui, pour ne pas que les gens pensent la même chose. Je ravale mes larmes et ma jalousie quand j'apprends une grossesse et sort mon plus beau sourire (ou rictus peut être, vu de l'extérieur) et je félicite pour la merveilleuse nouvelle.
Je sais aussi que rien n'est perdu, qu'il y a encore des étapes, qu'il y a des personnes qui sont dans des situations plus désespérées et je suis aussi enfoui dans un sentiment de culpabilité.
Tous ces sentiments m'ont conduit à écrire ce texte, j'espère y trouver en réponse des témoignages de personnes qui vivent la même chose, qui comprennent.
Si vous êtes arrivés jusqu'ici, je vous remercie de m'avoir lue et j'espère n'avoir froissé personne dans mes propos.
Bonne soirée à tous
